L'auteur et voyageur

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Récits de mon voyage en solitaire à vélo au pays du sourire. Mes rencontres artistiques et les contes récoltés durant ce premier séjour d'un mois. Découverte à grands coups de jambes et de dents pour croquer la vie culturelle cambodgienne.


lundi 15 mars 2010

Courriel d'Asie - Cambodia solo 3




Dernière ligne droite,
concave ou convexe,
continue et qu’on aime


Bonjour et malheureusement pour vous tous et toutes : à bientôt ! Car il ne fallait pas espérer que je ne reviendrai jamais de ce lointain pays autrefois colonisé par Nous-self et qui, après une dictature des Khmers Rouges, est en train de remédier à son passé. Maintenant j’ai l’intention ferme de venir vous coloniser My-self ! Au début, vous aurez droit à des petites babioles cambodgiennes pour vous attendrir, ensuite, je vous extorquerai quelques dollars ou Euros pour asseoir notre amitié… tout se négocie, hein, mais vu que je ne vaux rien, ça ne vous coûtera pas grand-chose. Enfin, je vous bassinerai avec les images diaporama de mon périple. Chouette comme programme, non ?

Bon, autant vous dire, et ne reste qu’une semaine pour contrebalancer mon opinion, j’ai eu le coup de cœur pour ce pays et je pense y revenir pour approfondir les rencontres. Des envies de pousser les échanges culturels avec les Cambodgiens ne n’effraient pas, au contraire. Avec une fin d'année enchaînant les spectacles, l'accident de voiture, ce pays m’a vu arriver assez abattu (in english : un peu « broken » de partout) et j’y ai trouvé un réconfort certain. Un plaisir. Un apaisement. Un virus qui s’attrape apparemment couramment aux dires d'un ancien du cirque Plume. Et 750 km de vélo, pour le souffle et les cuisses, c’est très bon. A travers les rencontres, les sourires, les Cambodgiens sont curieux de tout ce qui vient de l’étranger (ils sortent psychologiquement à peine du régime Khmer Rouge), les filles majeures et vaccinées sont des Apsara(s) - comprenez : danseuses mythiques des Dieux dans la tradition khmère, et les « petits bouts » sont adorables et plein de spontanéité joviale. Quant à la génération des années PolPute, les papys et mamys vous parlent avec simplicité des moyens dont ils ont usé pour s’en sortir amaigris mais vivants. Il faut dire que lorsqu’un ado boutonneux et sûr de ses actes vous menace avec une mitraillette, on se tait ou on se sacrifie sur l’autel de la connerie.

Histoire Rouge, suite et fin

Mes pensées vont droit à un vieil instit cambodgien à la retraite qui parlait assez bien le français, et qui me confiait qu’il avait été forcé de travailler dans les champs sans même avoir droit à son plat de riz ; puis il m’a déclaré mot pour mot : « Pol Pot pas bon… communisme, khmer rouge décimer peuple »… C’est une réalité et le peuple cambodgien en porte les séquelles. (Pour ceux et celles qui ont le cœur bien accroché : voir en fin du courriel un ajout sur le S21).

Histoire colorée, le début : Pour un Sourire d’Enfant

Sinon, j’ai fait la rencontre de Michel Remillon, un Lorrain ! Il travaille pour la Maison du Sel de Marsal. Acteur de l’association PSE (Pour un Sourire d’Enfant, site internet accessible et intéressant : http://www.pse/), il a créé en parallèle la structure DRC "Développement Durable au Cambodge". Samedi matin, en compagnie de son équipe, j’ai été convié à visiter le village de Kompong Prasat (près de Phnom Penh) qui bénéficie de leur soutien.

L’accueil s’est fait en grandes pompes : chants des enfants, repas proposés, drapeaux battants au vent.
DRC intervient sur plusieurs niveaux : Achat de terrain pour cultiver le riz, construction d’un mini château d’eau qui évite au villageois d’aller jusque la rivière. Une école a été construite, manque encore le toit. Au cas où vous souhaitez investir dans une Très bonne action, il faut 4000 €, rien que ça, pour rendre heureux tout un village d'enfants.
Le résultat de leurs actions est le fruit du Long Terme…


Ici, les campagnes me font penser à certains tableaux de Van Gogh, entre meules de foin et paysans aux larges chapeaux. Il règne une atmosphère à la fois chaude et reposante. Limite provençale. Le tourment du peintre en moins.

Cette visite imprévue était très intéressante et surtout j’ai trouvé le moyen de faire le pitre pour les enfants. Un numéro visuel de manipulation d’objets. Les cheveux ébourriffés dressés sur la tête, j'amuse les lutins cambodgiens qui s'éclatent, souvent j’improvise des mini-sketches visuels et sonores. Oui, ça fait du bien de faire le C(L)OWN. A partir de pas grand chose, des objets récupérés au hasard, je leur joue une scène burlesque.

Départ à vélo, tuk tuk et pluie battante

Samedi soir, j’ai eu droit au Tuk Tuk sous une pluie battante. Le chauffeur sur sa moto avait le poncho qui volait au vent, à l’arrière j’étais secoué ! Durée du trajet : 30 minutes. Trempé jusqu’aux os, je suis arrivé dans le district de Poursat pour assister au spectacle de cirque présenté par « Le Phare ».
Il s’agit d’une école de cirque et théâtre. Bon spectacle, plein d’énergie et musique jouée en direct, malgré l’averse. Au-delà des spectacles, cette structure propose des cours de dessin, dispense des cours généraux aux enfants de la rue.

Ici, les écoles créent une dynamique locale: artisanat, école de spectacle, restauration, etc... Si en France, je parvenais à mettre en place un projet similaire pour décloisonner l'art d'une réalité de terrain, ce serait un pari réussi. Puis, le lendemain dimanche, j’ai avalé mes 110 km à vélo pour l’étape suivante.

Mon vélo, après un lifting du pédalier et des pédales (l’axe était cassé et les pédales s’emmêlaient), j’ai enfin gagné Battambang. Il s’agit d’une chouette ville au passé colonial, avec des bars, des écoles, des commerces et des boutiques. Bien entendu, c’est à « l’asiatique » : pas de vitrines et des couleurs partout. De la poussière aussi. C’est chaleureux, effervescent.

Le Phare, école pluridisciplinaire

Aujourd’hui, j’ai assisté aux entraînements et répétitions des élèves de l’école de cirque « Le Phare », située à Battambang. Cette association a démarré il y a une quinzaine d’années, montée par des jeunes réfugiés qui rentraient au pays. Au début on y apprenait à dessiner. A présent, les spectacles ont leur place. Leur cirque d’ailleurs part en tournée assez régulièrement. Certains de leurs élèves ont fait l’école de Rosny, Lomme, ou jouent pour le Cirque du Soleil. Bref ! ça bouge. Les professeurs me rappellent l’ambiance du Lido de Toulouse. Sérieux et décontractés. Ils créent également des formations de rue qui proposent dans la ville des shows façon « Acrostiches », « Cousins "

Je me suis présenté auprès de l'administrateur, Xavier, qui m'a reçu et présenté l'état d'esprit de travail. Quant à mon parcours artistique, l’avantage du Site Internet est que tout est présentable en quelques minutes, chose qui avait été faite. Les compliments vont donc droit à Luc, notre Webmaster ! Nous avons discuté une bonne demi-heure. Puis rencontre avec Marie, qui s’occupe des visuels. J’avais embarqué avec moi quelques livres. J’ignore ce que cette rencontre donnera par la suite mais l’énergie qui se dégage ici donne envie de construire. Si un jour se met en place un partenariat entre Le Phare et Lavifil, l’idée de ré-écrire des contes Khmers façon Woopaï Hipaï, serait envisageable. L’école s’est dotée d’un service d’édition et d’infographie.

Le travail Lavifil

Les atouts de la Compagnie de spectacle représentent un potentiel pour la créativité. L'édition de livres en lien avec le spectacle, réduire l’écart entre enfants et lecture par le biais du spectacle. La mise en place de spectacles de petites formes (2 à 3 comédiens) peut être intéressante. Quant aux contes dont je pourrais m’inspirer, j’en ai déjà quelques-uns en tête. Le cirque cette fois serait la forme théâtralisée, autour du conte. En fait, une telle expérience me tente vraiment. Les circassiens ici débordent d’énergie et d'inventivité , le sourire en prime.

Dernière étape

A présent, une semaine me sépare de la Lorraine. Content de rentrer et dans l’idée de revenir. Autrement. Mais à vélo, ça, oui. Dernière étape : traverser le Tonlé Sap, sorte de mer intérieure, depuis Battambang jusque Siem Reap à bord d’un bateau sans abandonner le Tigre Rouge (Le surnom du Vélo). Puis je me remets en selle pour regagner la Thaïlande… Des kilomètres en perspective ! Décollage samedi 27 de Bangkok… J’ai choppé le virus de Mike Horn, à petite échelle : j’ai presque fait mon parcours sans utiliser d’autres forces que celle de mes mollets !

A bientôt donc. Préparez les drapeaux et les chants d’accueil, maintenant que j’y ai pris goût ! Salut…

Photo au-dessus à droite : Tout le Cambodge est là !

S21
Pour les âmes sensibles, je déconseille ces quelques lignes et photos ci-dessous.
Ce n’est pas du voyeurisme, c’est malheureusement une page d’histoire qu’il ne faut pas tourner.


Le S21 (Musée de Phnom Penh) fut le lycée transformé sous la dictature en prison … en salle de torture exactement. Aujourd’hui en musée. Oh ! Le charmant lycée, où l’on peut s’imaginer les classes qui sentent bon le crayon, la gomme et le papier… Le dortoir avec ses lits bien rangés, sa cantine réunissant ses profs et ses élèves… Après le passage Khmer Rouge, c’est une autre histoire !

A vrai dire, l’endroit est insoutenable, gorgé d’ondes négatives et malsaines. J’ai vu des visiteurs sortir bien avant la fin de la visite complète ou du film projeté. Il faut dire que les tableaux de photos des prisonniers et victimes, avant l’interrogatoire et après, vous émeut.

Des milliers de visages noir et blanc vous observent en vain : vieux, parents et enfants compris.

Même l’humour m’a manqué, histoire de désamorcer et dédramatiser mais c’est chose impossible sur le coup. Quand on sait que les bourreaux étaient des ado lobotomisés par L’Angkar » (sorte de Dieu passe partout et surtout prétexte à commettre les pires abominations, au nom de lui-même et du régime sec nécessaire pour redresser le pays), on ne sait plus qui sont dans le fond les victimes du régime. Car il s’agissait d’ados embrigadés, fusils mitrailleurs en main, qui avaient droit sur toute vie. Y compris sur celle de leurs proches. Les ados, faut pas les vexer, hein ! Sinon ils deviennent arrogants et méprisants. Ils ont un potentiel de créativité et sont fertiles en invention de destruction. La preuve : tous les sévices imaginables étaient possibles, bon, avec les moyens du bord. Un simple lit de dortoir devenait un véritable cauchemar de sang et de cris. Une potence de balançoire dans la cour de récré ? On jouait au pendu après avoir fait tremper la tête du « balancé » dans des substances chimiques… Pour faire avouer peu de choses. Bref ! Des amateurs qui se sont très bien défendus.

Duch (condamné en 2009) était méticuleux et, avant d’exécuter, inventait un interrogatoire jusqu’à l’aveu de rien d’ailleurs et répertoriait ses victimes avant l’abattoir. Seul 6 cambodgiens parviendront à s’échapper de la prison.

à droite : cette jeune fille va succomber sous prétexte qu’elle est de la ville !, symbole de l’occidentalisation

J’irai cracher sur…

J’ai fait mention de ces événements car ce lieu m’a retourné et fait hérisser le poil ; si cela peut vous faire sourire : j’ai craché sur le portrait de Pol Pot… c’est idiot mais ça m’a soulagé d’un trop de salive venimeuse. Le S21, dirigé par Duch, montre que la barbarie était à portée de main du moindre pékin… euh Khmer (Rouge), à la fois ado et futur monsieur tout le monde. L’amateur aime et ce fut le cas.

… Et j’ai craché sur.

Cela fait partie de l’histoire très récente du Cambodge, on ne peut passer à travers. Avant de partir, c’était plus fort que moi j’ai donc craché sur le portrait de Pol Pot. Sur ce porc et tous ceux qui l’ont soutenu, de Mao jusqu’à l’ONU, en passant par la clique de la soi-disant intelligentsia française de l’époque ! (Jean Saul Partre, comme l’appelait Boris Vian) Quand on sait que Sartre, cette teigne méchante comme un pou, avait applaudi et encouragé le régime. Personnellement, j’avais déjà de très mauvais souvenirs avec ses pièces de théâtre sales et sans fond, ennuyeuses et verbeuses, que le personnage politique m’est à présent insupportable. Fin des attaques envers une dictature rouge comme le sang qu’elle a fait verser sans compter ni distinguer enfants comme parents. Il faut passer à autre chose…

Je conseille de lire quelques livres incontournables, véritables témoignages de cette période: "L'année Zéro", "Tu vivras, mon fils", etc... Je mes les suis procurés sur le marché de Siem Reap pour quelques dollars.

La nouvelle génération, privée de culture et de cheveux longs et de lunettes et de musiques et d’histoires d’amour et… de tout ! veut donner une image plus exubérante. Tout est bon pour contrer le pouvoir actuel. Allez, une dernière petite image d’Epinal poétique. (photo prise dans l’une des cellules)