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Cambodge à vélo - courriels d'Asie

Récits de mon voyage en solitaire à vélo au pays du sourire. Mes rencontres artistiques et les contes récoltés durant ce premier séjour d'un mois. Découverte à grands coups de jambes et de dents pour croquer la vie culturelle cambodgienne.


dimanche 28 mars 2010

courriel d'Asie - Cambodia solo Prologue


Voyagez Sans Moteur, l'esprit libre.
Bonjour à tous!

Non, je ne me suis pas égaré. Je suis bien arrivé au Cambodge et, très vite, une fois la frontière avec la Thaïlande dans le dos, j'ai subi les rabatteurs, les indigestes négociations pour obtenir le passeport à un prix raisonnable. La commission laissée, j'ai décidé de ne pas connaître encore ce genre d'arnaque qui vous gâche un peu l'arrivée : non. Je veux vivre le Cambodge et profiter pleinement de la réputation du Pays du sourire. L'objectif immédiat a été de trouver l'autonomie. A savoir: acheter un vélo et poursuivre ce voyage en avançant librement. Chose accomplie le lendemain à Siem Reap pour 40$. Plus je pédalais au milieu de la campagne, de la forêt, des villages et des villes, plus je savais que ce voyage allait me ressembler davantage. Un engouement qui sera croissant. Par principe, j'essaierai de maintenir le cap sans avoir recours au moteur autre que celui de mes jambes (une dynamo, en quelque sorte). Attention, le voyage commence...
Les temples
Je découvre depuis trois jours le pays des temples, la ville de Siem Reap, le palais d’Angkor Wat et les « rebus » scripturaux (l'écriture khmère fonctionne comme le thaï) qui demeurent tous des joyaux. En tant "qu’Exploraconteur professionnel", j’ai été agréablement surpris d’apprendre que c’est un Français qui a sorti ce tas de cailloux de l’oubli (Jean Moulhot). Je me suis senti en terrain conquis… sauf que, sauf que : tous les panneaux indicateurs sont en Khmer - ce qui est normal, ou de plus en plus en langue de Shakespeare. Punaise, Molière, qu’a-t-on fait de ta richesse musicale et de ton champ lexical ? Puis y a les Japonais et les Chinois qui envahissent le marché sans s’imposer, et aussi les Thaïlandais qui sont le fer de lance économique de la péninsule indochinoise. Bref ! C’est déboussolant. "L’Exploracontie française" a du fil à retordre pour redorer le blason de notre culture. Mon coq gaulois a donc pris la douche froide. Pauvre idiot de coq ! Il s’écrase dès qu’il voit plus gros que lui.

Att : Passage de Gros Touristes Occidentaux ou Américains

Malgré ce coup au cœur, j’ai acheté un Pass pour trois jours, ce qui n’est pas de trop pour découvrir la quinzaine de temples aux alentours de la ville sacrée des Khmers, petit circuit et grand circuit.
Le logis, la pitance et la culture
Jusqu’à présent, à Siem Reap, je loge dans une Guesthouse pour 7 $ la nuit et mange pour 6 $ maxi par jour environ, soupes, pâtes, légumes frais, riz, fruits frais… ce n’est pas que je veuille économiser mais ce sont les tarifs pour deux repas sans gras ni foie ; le dollar est roi, la monnaie cambodgienne existe pourtant : le Riel (1$ = 4400 Riel) et leurs billets portent des gros chiffres systématiquement : 10 000 Riel, etc… Je m’informe sur les contes existants que je compte bien un jour exploiter à ma sauce (plus poivrée que l’espelette !) Sinon, le pays du sourire porte bien son nom. Les massages (toniques comme il me faut) m’ont été un bonheur, car depuis ma culbute en Berlingo (avec le temps j’ai analysé : 3 heurts au total dont 1 sur le toit avec tonneau à la clef), je crois que mes muscles s’étaient bel et bien noués et n’avaient rien relâché de la tension : maintenant c’est fait. Je respire doublement et profite des moindres moments de la vie et de son lot de surprises et de hasards. Au pays du sourire, j’offre le mien, heureux.

Les objectifs d’Explorapédaleur

Regardez-moi ce que j’ai acheté ici pour 40$, avec l’antivol en cadeau :
Tigre Rouge, c’est le nom que je lui ai donné, à ce vélo, vu les autocollants de tigre flamboyant sur son cadre lourd de trois tonnes. Ce magnifique VTT des années 80 pèse son poids mais c’est ce que j’ai pu trouver de mieux dans le pays. Je compte chevaucher la petite tigresse de Siem Reap à Kep, soit environ 5 jours de route à raison de 8 heures par jour. Les kilomètres ici se comptent à peu près, et en Khmer, c’est moins évident. L’écriture n’a rien de commun avec celles indo-européennes. De plus, la retranscription phonétique ne prend pas en compte les accents forts. Bref, mon œil s’habitue à leurs jolis dessins pour déchiffrer… La pierre de rosette était plus facile à traduire que l’art scriptural khmer.

A vélo, j’ai 7 jours pour gagner Kep (qui se trouve dans le sud, à droite de Sihanouk ville). Je dois rejoindre une équipe franco-cambodgienne qui gère une petite école. J'ai proposé mes services, et je ferai de mon mieux pour monter un atelier-spectacle entre le 15 et le 20. J’espère que les encadrants m’aideront pour traduire mes clowneries, sinon, je suis dans la MMM … Marre.

Instant Melting Bar
Grâce à Voyage Forum, site que je conseille pour les avides d’astuces sur chaque pays, j’ai rencontré un type qui vélote souvent. Pierre tient un restau près du vieux marché (« Only One ») Il est marié à une Cambodgienne (Tooï, en khmer, qui signifie : petit) et vit depuis quatre ans à Siem Reap. Ici, les mamans cambodgiennes sont souvent seules (l’une des raisons principales : massacre des populations et familles disloquées par ce cher Pol Pot. La seconde : le mariage arrangé qui finit mal). Pierre m’a expliqué que les routes asphaltées datent de très peu. Il m’a proposé de visiter ensemble des temples moins touristiques en empruntant des sentiers que lui seul connaît. Quand il s’agit de sortir des sentiers battus, ça me plaît. Et, le lendemain, la rando à travers les pistes a été à la hauteur de mes attentes : temples isolés et boudés du tourisme de masse. Même si je n’ai rien découvert (on a toujours le fantasme de l’archéologue qui accède à des lieux inexplorés), je bénéficie de la magie du lieu perdu et calme. Une journée de piste : ça vous ruine le séant. Les fesses en ont pris un coup ; si j’avais eu la tête à la place du derrière, j’aurais craché des dents toute la nuit et mes joues seraient une bouillie.

Objectif: Madame Penh
Pour terminer, je gagne sur mon destrier de métal Phnom Penh, afin de rencontrer le responsable d’une seconde association qui intègre des enfants, vivant sur des décharges publiques et de leurs très bons produits à recycler, pour les scolariser la journée.
(http://www.pse.com/ ou fr… Pour Un Sourire d’Enfant)



Pour le petit truc, le responsable Lorraine PSE (Michel Remillon) est la personne que j’allais rencontrer à Marsal 5 jours avant mon décollage, lorsque une vulgaire plaque de verglas m’a fait changer de trajectoire ! Cette fois : je suis allé à sa rencontre en avion, il y a moins de risque de verglas, je pense.

Moment de culture autre que celle du riz
Les Cambodgiens se remettent tant bien que mal de leur drame. Grâce à Pol Pot, qui vient de Politique Potentielle; on voit le résultat : un autogénocide avec, au programme les pires tortures et éliminations humaines. Les Khmers rouges étaient moins riches en matériel de destruction massive que d’autres régimes dictatoriaux, ils y allaient souvent avec le dos de la cuiller – ça peut faire sauter un œil - ou la crosse du fusil - ça économise une balle. Il est courant que des cambodgiens (les "anciens") me parlent d’un membre de leur famille disparu. Il faut savoir que ce Bourreau national, communiste qui adulait Hitler, a été protégé entre autre par… l’ONU, lorsque celui-ci a été débouté de ses droits. Ah, ce veinard de "Pul Put". Je suis sûr qu’il aurait pu avoir sa place au Panthéon ! Bon, oublions quelques secondes la barbarie qui n’a su atteindre la beauté des âmes de ce pays, et, pour preuve, je vais vous montrer une image des Cambodgiennes… Jolies, non ?(C’est facile mais c’est joli.)
Fin de la minute historique. Maintenant un peu de Météo:

Il fait entre 40 et 50 degrés la journée (36 à l’ombre attesté par Pierre, quelle idée de se mettre à l’ombre !) et les nuits plus fraîches m’obligent à dormir torse nu avec un drap tout de même. Quelle honte.

Pour info des horaires au Cambodge
Juste une précision : non seulement 20 heures de vol nous séparent de la France auxquelles il faut ajouter 6 heures de bus, plus 6 heures de décalage horaire entre vous et mon vélo. Le guide du Routard restera à la Guesthouse, je le trouve assez décevant, à part les plans pour la visite des temples. La route m’attend et m’appelle. Ma carte IGN me sera utile car les détails de chaque petite route sont visibles. Je pense à vous, gros bisous de Cambodia.


Pyerrot - site de la Compagnie de spectacle: http://www.lavifil.com/

dimanche 21 mars 2010

Courriels d'Asie - Cambodia solo 2

Les courriels d'Asie - Cambodia solo
Le tout n’est pas qu’une affaire de "chœur".

Bonjour à vous tous et toutes,

Vous qui loin de mes yeux, n’en restez pas moins proche du… reste.

Et le reste me paraît plus important que ce petit organe qui bat la mesure, joue au chef des sentiments et se charge des coups de foudre, qui s’octroie le rôle de régisseur du souffle, s’improvise maître des situations et, additionné d’un « H », patronne les cathédrales et fait agenouiller les bigots. Le tout n'est pas qu'une affaire de cHoeur. Et le reste?
Le reste, c’est tout sauf ce petit muscle cardiaque à ventricules prétentieux. Quel est-il, alors, ce reste ?... les mollets. Ils répondent présents à 100 %. Ce duo musculaire devrait doubler de volume. Voilà la partie corporelle essentielle en ce moment. Je n’imagine pas un seul instant pouvoir pédaler sans mes mollets. Sans eux… D’abord, j’aurais l’air d’un nain sur pédales. Ensuite, je ne pourrais pas me tenir debout pour soulager mon postérieur. Enfin, entre les genoux et les pieds je ne vois rien d’autres à mettre à leur place… Et comme le dit un dicton franco-cambodgien : « Sans eux, mollets, on fait des vélomelettes ».

Vue du promontoire qui domine KEP (Sud)


Nationale 3, the road to Hell

N3. Vaste programme que cette nationale. Chris Réa (chanteur à la voix chaude et grave pour grands espaces américains) l’a chantée sans la connaître ; vu les rougeurs entre les cuisses, je pourrais m’atteler à une chanson sur ce tronçon de route. A raison de 110 km en moyenne par jour sur route comme sur piste avec trous, pots d’échappement encrassés et poussières rouges qui vous picotent les yeux et vous assèchent la gorge, j’approche de Krong Kep dans le sud, près de Kampot. Ici, il n’y a qu’une seule route ; pour les principaux axes bitumés, pour les moins principaux : c’est l’enfer fessier !
Combien de fois je me suis surpris à chantonner cet air enfantin sympathique :

« Un kilomètre à vélo, ça use,
ça use ; un kilomètre un pied,
ça use-eeeee le c... ! »

Une seule route ? Ce qui signifie que Tout le monde prend la même : entre les bus, les camions, les tuk tuk (sorte de mobylette tirant une chariote aménagée pour les passagers), les motos, les vélos et les troupeaux de zébus, la place est à celui qui parvient à se glisser entre deux coups de klaxon. Entre Champong Thum et Phnom Penh, ce fut une horreur.

Franklin

Sinon, tout roule. J’ai pris le rythme durant ces quatre jours du vélo. Je bois environ 10 litres par étape. Je me nourris à la cambodgienne sans aucun problème. Du moment que l’eau a été bouillie…

Voici juste au-dessus pour les amateurs de particularité culinaire la photo de Franklin, héros de BD et de série TV chez nous, qui a fini ses jours au pays du sourire.

Et il y a un produit qu’on ne trouve pas en France sauf dans les magasins chinois, en cannette métallique,:c’est le jus de soja. Frais, légèrement sucré, sous 45 °, ça requinque.

The road to meet

L’avantage de se déplacer à la sueur de son… front me permet de m’arrêter comme je l’entends. Et les Cambodgiens sont accueillants. Un jour de rando dans les temples, une maman et toutes ses grandes filles (des ado avec des idées d’ado mais avec la connaissance du boulot et de la difficulté de la vie) m’ont invité à goûter à une sorte de petits bulots pêchés dans les rivières. C’était excellent, salé. Il fallait la technique pour les ouvrir. D’ailleurs, au bout de deux essais ratés, on me les présenta systématiquement ouverts, le sourire en plus. Un moment de détente, à converser durant une heure, tout en sirotant le jus d’une noix de coco fraîche.

Ce n’est pas que je veuille vous épater en étalant les expériences, l’une à la suite de l’autre. Mais depuis mon arrivée, ces rencontres parsèment mon avancée dans le Cambodge. En toute simplicité. Elles me font réfléchir… Le temps semble arrêté. Je suis comme en apesanteur. Si je voyage pour me ressourcer et me retrouver, il est évident que je règle certains « démons » ou doutes quant à ce que j’entreprends personnellement ou en équipe. Si les rêves de châteaux d’Espagne perdurent, d’autres en Lorraine s’effacent.

« Baroude » et société
Jusqu'à présent, la baroude (comprenez le voyage façon baroudeur) m’a été bénéfique, quelque soit l’heure à laquelle j’arrivais dans une ville ou village étape. Entre la jolie Srev-Hom (prononcer Sré- Hôm avec un H à l’allemande) qui m’a extirpé de la route en pleine nuit, m’a remorqué avec son scooter et fait découvrir la ville de Siem Rap… (Bon, un petit restau de courtoisie s’est imposé), la jolie Tia Pier (en photo ci-dessous dans son modeste salon) qui m’a remis le dos en place; la jolie… je les trouve toutes jolies, en fait !
La politesse et l'hospitalité restent de mise.
Photo à droite: Mister Heng, restaurateur, s'est accordé quinze minutes entre deux commandes pour me parler de l’histoire du Cambodge au cours d’un rapide « lunch », juste avant que je ne reprenne mes 10 heures de vélo quotidiennes.

Il faut comprendre que les cambodgiens sont curieux de votre venue et gardent le sourire. Cambodia, ce n’est pas très grand. Mon périple à travers la moitié du pays me permet d’assister aux prémices d’une société encore appauvrie par « Celui-dont-on-ne-sait-s-il-faut-prononcer le nom-trente ans après », c’est l’effervescence de la jeunesse en général. Un pays qui renaît de ses os et de ses cendres : constructions massives de quartiers résidentiels, restauration des ponts, voies routières élargies, présence de capitaux chinois, japonais, américains et français. Des bâtiment scolaires (école obligatoire) avec élèves en tenue réglementaire,… S’ils poursuivent dans le même sens le Cambodge ressemblera à la Thaïlande. Avec tous les changements que cela engendrera.

Puisque les mariages sont convenus, souvent les filles qui ont enfanté de 1 à 4 bambins rejettent un peu plus tard la connerie de leur mari. Si elles reprennent leur liberté, malheureusement ne sont-elles plus « vierges » pour autant. Alors ? Ben, à votre avis ! Elles sont refoulées par les Cambodgiens. Ce sont des situations familiales classiques ici. Bien souvent les cambodgiennes ne parlent jamais aux « Barang » (étrangers) de leurs enfants et insistent pour se faire appeler « Mademoiselle »… dans l’espoir de trouver un moins con ! Un constat : pas mal de mari travaille plus à la force du hamac que de la bêche.

Mahité l’or is ritche/ Maille thé l’or is ritch/M’aïe! Tayloriz ri techeu… (je vous laisse le soin de vous exercer à ce petit jeu, nul mais qui occupe)

Pour le langage, c’est l’anglais que j’utilise. Merci Roahl Dahl (pour ses livres que je continuerai à lire dans la langue d’origine), merci aussi à Dublin, au dieu Guiness et à Edimbourg pour l’initiation, même avec le french accent, ça passe.

Guesthouse
Pour terminer ce court récit, les Guesthouses (Petits Hôtels) dans les grosses villes sont en général correctes. En revanche, dès que j’en cherche une dans un coin paumé et à une heure tardive : c’est le boui boui. (Photo: Salle de bain+Commodités, on se croirait à Paris!) Propre à peu près, pas de cafards.
Juste pour une nuit, ça passe. Je ne vais pas jouer au Touriste exigeant, surtout à la tombée de la nuit… Mais quand le chiotte se situe près de la bassine pour se doucher à l’aide d’une casserole plastique, je négocie le prix. Surtout quand il n’y a pas d’eau qui sort des tuyaux et que les néons blafards vous donnent envie de les éteindre pour dormir. Comme quoi, l’hôtellerie a des beaux jours devant elle.

KEP - Sud, face à la mer
Etant arrivé en avance pour mes interventions à l’école, j’ai pris une barque pour the Rabbit Island, traduire par « L’Île du lapin »… Le nom promet, tout un programme. Serait-ce l’endroit pour le repos du guerrier après 450 km en 4 jours? Ah, c’est dur ce sable chaud et cette vision sur la mer entre deux cocotiers… Vous ne trouvez pas ? (On dirait l’Antoine qui fait son émission publicitaire !) Allons-y: c'est Kaamelot!... (Je pense à cette scène de Sacré Graal lorsque nos chevaliers croient enfin avoir atteint leur but)
Mais trop de confort d’un coup ne me convient pas forcément, l’ambiance "Plomplomb sur la plage à faire la crêpe" ne m’intéresse pas, non. Pas plus qu’une soirée.
J’ai filé donc le lendemain matin au premier départ pour atterrir dans le foyer de l’école française.

L'école française de Kep
Ici, les profs et les étudiants en fin de cursus (master en poche, prêts à enseigner le B A BA de la langue française) travaillent bénévolement sur le terrain et proposent des cours accessibles financièrement aux cambodgiens. Leur principale difficulté: concurrencer avec les écoles enseignant la langue de Shakespeare.

Je viens de poser mon sac pour quelques jours. Le responsable, Sok, prof en France d’EPS, a monté cette école par ses propres moyens et créé ainsi l'unique établissement dans le Sud qui enseigne la langue de Molière. Si vous souhaitez vous investir intelligemment durant votre séjour dans ce joli coin balnéaire, vous serez accueillis par l'équipe et sa cuisinière.

Contact/Directeur et professeur de français: NGO-SISOWATH Sokphal - Association khmère: Chaul Rean Taing Os Khnea - Association française: EPT (Ecole Pour Tous)
site: http://www.ecolepourtousaucambodge.org/
tél: (00855) 99 51 60 14 ngo-sisowath-sokphal@hotmail.fr


Mon séjour sera donc bref et je ne dispenserai que quelques rudiments du spectacle : Nouvel An Chinois oblige.



Plage de Kep, jour du Nouvel An Chinois


A bientôt pour un courriel d'Asie

Pyerrot

lundi 15 mars 2010

Courriel d'Asie - Cambodia solo 3




Dernière ligne droite,
concave ou convexe,
continue et qu’on aime


Bonjour et malheureusement pour vous tous et toutes : à bientôt ! Car il ne fallait pas espérer que je ne reviendrai jamais de ce lointain pays autrefois colonisé par Nous-self et qui, après une dictature des Khmers Rouges, est en train de remédier à son passé. Maintenant j’ai l’intention ferme de venir vous coloniser My-self ! Au début, vous aurez droit à des petites babioles cambodgiennes pour vous attendrir, ensuite, je vous extorquerai quelques dollars ou Euros pour asseoir notre amitié… tout se négocie, hein, mais vu que je ne vaux rien, ça ne vous coûtera pas grand-chose. Enfin, je vous bassinerai avec les images diaporama de mon périple. Chouette comme programme, non ?

Bon, autant vous dire, et ne reste qu’une semaine pour contrebalancer mon opinion, j’ai eu le coup de cœur pour ce pays et je pense y revenir pour approfondir les rencontres. Des envies de pousser les échanges culturels avec les Cambodgiens ne n’effraient pas, au contraire. Avec une fin d'année enchaînant les spectacles, l'accident de voiture, ce pays m’a vu arriver assez abattu (in english : un peu « broken » de partout) et j’y ai trouvé un réconfort certain. Un plaisir. Un apaisement. Un virus qui s’attrape apparemment couramment aux dires d'un ancien du cirque Plume. Et 750 km de vélo, pour le souffle et les cuisses, c’est très bon. A travers les rencontres, les sourires, les Cambodgiens sont curieux de tout ce qui vient de l’étranger (ils sortent psychologiquement à peine du régime Khmer Rouge), les filles majeures et vaccinées sont des Apsara(s) - comprenez : danseuses mythiques des Dieux dans la tradition khmère, et les « petits bouts » sont adorables et plein de spontanéité joviale. Quant à la génération des années PolPute, les papys et mamys vous parlent avec simplicité des moyens dont ils ont usé pour s’en sortir amaigris mais vivants. Il faut dire que lorsqu’un ado boutonneux et sûr de ses actes vous menace avec une mitraillette, on se tait ou on se sacrifie sur l’autel de la connerie.

Histoire Rouge, suite et fin

Mes pensées vont droit à un vieil instit cambodgien à la retraite qui parlait assez bien le français, et qui me confiait qu’il avait été forcé de travailler dans les champs sans même avoir droit à son plat de riz ; puis il m’a déclaré mot pour mot : « Pol Pot pas bon… communisme, khmer rouge décimer peuple »… C’est une réalité et le peuple cambodgien en porte les séquelles. (Pour ceux et celles qui ont le cœur bien accroché : voir en fin du courriel un ajout sur le S21).

Histoire colorée, le début : Pour un Sourire d’Enfant

Sinon, j’ai fait la rencontre de Michel Remillon, un Lorrain ! Il travaille pour la Maison du Sel de Marsal. Acteur de l’association PSE (Pour un Sourire d’Enfant, site internet accessible et intéressant : http://www.pse/), il a créé en parallèle la structure DRC "Développement Durable au Cambodge". Samedi matin, en compagnie de son équipe, j’ai été convié à visiter le village de Kompong Prasat (près de Phnom Penh) qui bénéficie de leur soutien.

L’accueil s’est fait en grandes pompes : chants des enfants, repas proposés, drapeaux battants au vent.
DRC intervient sur plusieurs niveaux : Achat de terrain pour cultiver le riz, construction d’un mini château d’eau qui évite au villageois d’aller jusque la rivière. Une école a été construite, manque encore le toit. Au cas où vous souhaitez investir dans une Très bonne action, il faut 4000 €, rien que ça, pour rendre heureux tout un village d'enfants.
Le résultat de leurs actions est le fruit du Long Terme…


Ici, les campagnes me font penser à certains tableaux de Van Gogh, entre meules de foin et paysans aux larges chapeaux. Il règne une atmosphère à la fois chaude et reposante. Limite provençale. Le tourment du peintre en moins.

Cette visite imprévue était très intéressante et surtout j’ai trouvé le moyen de faire le pitre pour les enfants. Un numéro visuel de manipulation d’objets. Les cheveux ébourriffés dressés sur la tête, j'amuse les lutins cambodgiens qui s'éclatent, souvent j’improvise des mini-sketches visuels et sonores. Oui, ça fait du bien de faire le C(L)OWN. A partir de pas grand chose, des objets récupérés au hasard, je leur joue une scène burlesque.

Départ à vélo, tuk tuk et pluie battante

Samedi soir, j’ai eu droit au Tuk Tuk sous une pluie battante. Le chauffeur sur sa moto avait le poncho qui volait au vent, à l’arrière j’étais secoué ! Durée du trajet : 30 minutes. Trempé jusqu’aux os, je suis arrivé dans le district de Poursat pour assister au spectacle de cirque présenté par « Le Phare ».
Il s’agit d’une école de cirque et théâtre. Bon spectacle, plein d’énergie et musique jouée en direct, malgré l’averse. Au-delà des spectacles, cette structure propose des cours de dessin, dispense des cours généraux aux enfants de la rue.

Ici, les écoles créent une dynamique locale: artisanat, école de spectacle, restauration, etc... Si en France, je parvenais à mettre en place un projet similaire pour décloisonner l'art d'une réalité de terrain, ce serait un pari réussi. Puis, le lendemain dimanche, j’ai avalé mes 110 km à vélo pour l’étape suivante.

Mon vélo, après un lifting du pédalier et des pédales (l’axe était cassé et les pédales s’emmêlaient), j’ai enfin gagné Battambang. Il s’agit d’une chouette ville au passé colonial, avec des bars, des écoles, des commerces et des boutiques. Bien entendu, c’est à « l’asiatique » : pas de vitrines et des couleurs partout. De la poussière aussi. C’est chaleureux, effervescent.

Le Phare, école pluridisciplinaire

Aujourd’hui, j’ai assisté aux entraînements et répétitions des élèves de l’école de cirque « Le Phare », située à Battambang. Cette association a démarré il y a une quinzaine d’années, montée par des jeunes réfugiés qui rentraient au pays. Au début on y apprenait à dessiner. A présent, les spectacles ont leur place. Leur cirque d’ailleurs part en tournée assez régulièrement. Certains de leurs élèves ont fait l’école de Rosny, Lomme, ou jouent pour le Cirque du Soleil. Bref ! ça bouge. Les professeurs me rappellent l’ambiance du Lido de Toulouse. Sérieux et décontractés. Ils créent également des formations de rue qui proposent dans la ville des shows façon « Acrostiches », « Cousins "

Je me suis présenté auprès de l'administrateur, Xavier, qui m'a reçu et présenté l'état d'esprit de travail. Quant à mon parcours artistique, l’avantage du Site Internet est que tout est présentable en quelques minutes, chose qui avait été faite. Les compliments vont donc droit à Luc, notre Webmaster ! Nous avons discuté une bonne demi-heure. Puis rencontre avec Marie, qui s’occupe des visuels. J’avais embarqué avec moi quelques livres. J’ignore ce que cette rencontre donnera par la suite mais l’énergie qui se dégage ici donne envie de construire. Si un jour se met en place un partenariat entre Le Phare et Lavifil, l’idée de ré-écrire des contes Khmers façon Woopaï Hipaï, serait envisageable. L’école s’est dotée d’un service d’édition et d’infographie.

Le travail Lavifil

Les atouts de la Compagnie de spectacle représentent un potentiel pour la créativité. L'édition de livres en lien avec le spectacle, réduire l’écart entre enfants et lecture par le biais du spectacle. La mise en place de spectacles de petites formes (2 à 3 comédiens) peut être intéressante. Quant aux contes dont je pourrais m’inspirer, j’en ai déjà quelques-uns en tête. Le cirque cette fois serait la forme théâtralisée, autour du conte. En fait, une telle expérience me tente vraiment. Les circassiens ici débordent d’énergie et d'inventivité , le sourire en prime.

Dernière étape

A présent, une semaine me sépare de la Lorraine. Content de rentrer et dans l’idée de revenir. Autrement. Mais à vélo, ça, oui. Dernière étape : traverser le Tonlé Sap, sorte de mer intérieure, depuis Battambang jusque Siem Reap à bord d’un bateau sans abandonner le Tigre Rouge (Le surnom du Vélo). Puis je me remets en selle pour regagner la Thaïlande… Des kilomètres en perspective ! Décollage samedi 27 de Bangkok… J’ai choppé le virus de Mike Horn, à petite échelle : j’ai presque fait mon parcours sans utiliser d’autres forces que celle de mes mollets !

A bientôt donc. Préparez les drapeaux et les chants d’accueil, maintenant que j’y ai pris goût ! Salut…

Photo au-dessus à droite : Tout le Cambodge est là !

S21
Pour les âmes sensibles, je déconseille ces quelques lignes et photos ci-dessous.
Ce n’est pas du voyeurisme, c’est malheureusement une page d’histoire qu’il ne faut pas tourner.


Le S21 (Musée de Phnom Penh) fut le lycée transformé sous la dictature en prison … en salle de torture exactement. Aujourd’hui en musée. Oh ! Le charmant lycée, où l’on peut s’imaginer les classes qui sentent bon le crayon, la gomme et le papier… Le dortoir avec ses lits bien rangés, sa cantine réunissant ses profs et ses élèves… Après le passage Khmer Rouge, c’est une autre histoire !

A vrai dire, l’endroit est insoutenable, gorgé d’ondes négatives et malsaines. J’ai vu des visiteurs sortir bien avant la fin de la visite complète ou du film projeté. Il faut dire que les tableaux de photos des prisonniers et victimes, avant l’interrogatoire et après, vous émeut.

Des milliers de visages noir et blanc vous observent en vain : vieux, parents et enfants compris.

Même l’humour m’a manqué, histoire de désamorcer et dédramatiser mais c’est chose impossible sur le coup. Quand on sait que les bourreaux étaient des ado lobotomisés par L’Angkar » (sorte de Dieu passe partout et surtout prétexte à commettre les pires abominations, au nom de lui-même et du régime sec nécessaire pour redresser le pays), on ne sait plus qui sont dans le fond les victimes du régime. Car il s’agissait d’ados embrigadés, fusils mitrailleurs en main, qui avaient droit sur toute vie. Y compris sur celle de leurs proches. Les ados, faut pas les vexer, hein ! Sinon ils deviennent arrogants et méprisants. Ils ont un potentiel de créativité et sont fertiles en invention de destruction. La preuve : tous les sévices imaginables étaient possibles, bon, avec les moyens du bord. Un simple lit de dortoir devenait un véritable cauchemar de sang et de cris. Une potence de balançoire dans la cour de récré ? On jouait au pendu après avoir fait tremper la tête du « balancé » dans des substances chimiques… Pour faire avouer peu de choses. Bref ! Des amateurs qui se sont très bien défendus.

Duch (condamné en 2009) était méticuleux et, avant d’exécuter, inventait un interrogatoire jusqu’à l’aveu de rien d’ailleurs et répertoriait ses victimes avant l’abattoir. Seul 6 cambodgiens parviendront à s’échapper de la prison.

à droite : cette jeune fille va succomber sous prétexte qu’elle est de la ville !, symbole de l’occidentalisation

J’irai cracher sur…

J’ai fait mention de ces événements car ce lieu m’a retourné et fait hérisser le poil ; si cela peut vous faire sourire : j’ai craché sur le portrait de Pol Pot… c’est idiot mais ça m’a soulagé d’un trop de salive venimeuse. Le S21, dirigé par Duch, montre que la barbarie était à portée de main du moindre pékin… euh Khmer (Rouge), à la fois ado et futur monsieur tout le monde. L’amateur aime et ce fut le cas.

… Et j’ai craché sur.

Cela fait partie de l’histoire très récente du Cambodge, on ne peut passer à travers. Avant de partir, c’était plus fort que moi j’ai donc craché sur le portrait de Pol Pot. Sur ce porc et tous ceux qui l’ont soutenu, de Mao jusqu’à l’ONU, en passant par la clique de la soi-disant intelligentsia française de l’époque ! (Jean Saul Partre, comme l’appelait Boris Vian) Quand on sait que Sartre, cette teigne méchante comme un pou, avait applaudi et encouragé le régime. Personnellement, j’avais déjà de très mauvais souvenirs avec ses pièces de théâtre sales et sans fond, ennuyeuses et verbeuses, que le personnage politique m’est à présent insupportable. Fin des attaques envers une dictature rouge comme le sang qu’elle a fait verser sans compter ni distinguer enfants comme parents. Il faut passer à autre chose…

Je conseille de lire quelques livres incontournables, véritables témoignages de cette période: "L'année Zéro", "Tu vivras, mon fils", etc... Je mes les suis procurés sur le marché de Siem Reap pour quelques dollars.

La nouvelle génération, privée de culture et de cheveux longs et de lunettes et de musiques et d’histoires d’amour et… de tout ! veut donner une image plus exubérante. Tout est bon pour contrer le pouvoir actuel. Allez, une dernière petite image d’Epinal poétique. (photo prise dans l’une des cellules)

dimanche 7 mars 2010

Courriel d'Asie - Cambodia solo Epilogue

Voyagez Sans Moteur, l'esprit libre

Courriel d'Asie - Cambodia solo

A l'heure où je rédige cette page pour mon blog, je n'éprouve aucune nostalgie quant au départ. Les souvenirs m'ont doublé et brillent devant mes yeux comme pour me guider dans mes futurs projets. J'ai appris autant sur le pays, sa culture que sur moi-même. L'énergie humaine, le plaisir de donner ou échanger paraît comme le pivot, le moteur d'un monde plus social...
Tandis que je relis phrase par phrase mes carnets - au cas où un lecteur curieux de voyage en solitaire le visiterait pour se donner une idée, avant qu'il ne se fasse la sienne par sa propre expérience, j'attends patiemment dans l'Aéroport de Benjing. Les 750 kilomètres dans les mollets me semblent déjà loin.
« Cambodia, Mon Cambodge » se terminera vendredi 26 février 2010, à midi trente exactement, en franchissant la frontière pour entrer en territoire Thaïlandais, le sheck point situé à 30 minutes de Pailin. J'y pense encore comme un probable retour, une source atemporelle.
Pailin, c'était déjà demain!
Pierre le tenancier du Bar restau, avec qui j’avais visité les temples par les sentiers hors publics au tout début de mon séjour, m’a accompagné en vélo depuis Siem Reap ; la veille, tous deux nous avons pris le bateau sur le Tonlé Sap, les vélos posés sur le toit au milieu des sacs et bagages des baraings.
Aujourd’hui, j’ai le dos sous mon sac comme une tortue à pattes de lièvres. La neige tombe sur les pistes et la température est de zéro. Le pantalon et le pull cachent ma « crasse », je ne suis pas rasé, puisque hier, vendredi 26 tout s’est enchaîné. J’ai fourré le bonnet dans une poche. Me voici paré pour reprendre du service en Meuse. En attendant le second avion, je suis juste « Lost in Translation » en Terres du Milieu, qui sont loin du Pays du sourire. Un petit saut en arrière ne me fera pas de mal…

Un parcours nourrissant et amaigrissant

Une semaine en arrière. Lundi 22, lorsque j’ai quitté à l’aube Battambang (où j’avais rencontré l’administrateur de l’école de cirque Le Phare), j’avais l’intention de retourner à Siem Reap cette fois en empruntant le bateau. La plantade n’allait pas tarder ! Il faut savoir que la question : « The Boat for Battambang, please ? » se traduit dans l’esprit peu anglophone d’un khmer de la rue par : « The Road for Battambang, please ? » Cette légère nuance phonétique entre deux mots, que le khmer ne distingue pas, m’a simplement mis sur le chemin qui va à Siem Reap par la route, c’était donc aller à l’opposé de l’embarcadère. Au bout d’une demi-heure je devinais mon erreur et l’idée d’envisager un demi tour me parut saugrenue : de toute évidence, j’avais loupé l’embarquement. Sans pour autant me démoraliser - après tout, je gère le temps comme bon il me semble, rien ne me presse, je ne suis pas à quelques centaines de kilomètres près - , je m’arrêtai dans une gargote locale pour déjeuner copieusement : du riz pour les sucres lents, et une soupe. Enfin un café « Cambodgien ». Il s’agit d’un café noir avec, déposé au fond de la tasse ou du verre, une couche de lait sucré concentré. Ou bien je le déguste par gourmandise à la cuiller ou bien je le mélange. C’est ainsi que je l’ai nommé. Sitôt ma carte IGN étudiée et rangée, j’étais prêt pour la course.

177 – 11 – 6 – 110 - 45 - 50 – 13 – 60 - 12


Battambang-Siem Reap : J’ai enquillé les 177 km en une journée, soit en 11 heures à pédaler et à prendre des pauses. D’une traite. Mon « mental » de quelques grammes a été mis à l’épreuve, le long de la nationale 6 entre Sisophon et Siem Reap, longue droite de 110 km ; un paysage aride défilait devant moi sous 45° frôlant les 50 ° (dès midi). Le soleil cognait sec et finit par plomber mon énergie : ma vitesse chuta à 13 km/h, autant dire que je traînais la patte et que mon coup de moulinet ne valait pas un riel (monnaie cambodgienne, 4000 Riels=1$). De plus, les ravitailleurs d’eau et de boissons se faisant rares, je me suis concentré pour ne pas défaillir ni même sombrer dans la grogne.

Je rythmais par mon souffle de locomotive les avancées, parfois les jambes tendues sur les pédales et le buste droit pour éviter les maux de dos et les tensions musculaires au niveau du cou. Je m’arrêtais toutes les heures pour me désaltérer.

Sinon, je me contentais d’une eau chaude versée dans la bouteille. Je ne regrette pas ce parcours dans cette région sèche du Cambodge. A contrario des pneus de « Tigre rouge » (mon vélo), je ne me suis pas dégonflé. Et si mon sac a pris du poids depuis mon arrivée, j’en ai perdu pas mal ! Je suis un corps de 60 kilos tirant un sac de 12 kilos sur le porte bagage.

Un Ch’ti peu de Moutarde

Inutile de vous dire que mon premier réflexe fut, après avoir posé les valises (comprenez : le sac) de prendre une douche et de me savonner. Laissant à peine le temps à mes fesses de refroidir, j’ai enfourché mon fier destrier pour aller en direction du vieux marché. L’objectif était précis : me désaltérer d’une bière fraîche chez Pierre dans son restaurant où je me suis enfilé un steak tendre et saignant, accompagné de frites avec en prime de la… ? DE LA MOUTARDE ! (de la vraie, bien de chez nous : AMORA). Mon instinct Ch’ti reste fort, mon estomac n’a pas perdu le Nord. Le lendemain, mercredi, a été une journée de courriels, d’achats, de lessive, d’écriture et de sommeil profond. Je suis allé trouver à nouveau Pierre. Il était nécessaire de faire une mise au point pour le départ du jeudi en direction de Battam Bang. Le repas s’est conclu cette fois par un camembert fondant sur du pain frais. Un simple claquos « Président » peut devenir le meilleur « Président » du monde… A l’inverse, je ne pense pas que notre Président vaille un bon claquos même fondu. Ajoutez à cela un verre de vin servi dans un ballon. Un luxe et un régal !


Tia Pier

Vu mon état d’épuisement physique (cuisses et mollets tendus, tête en vrac,…) j’ai poussé la bicyclette jusqu’au salon de massage. Ici, je me sens un peu comme chez moi. La petite famille me reconnaît et l'on vient spontanément me demander si je vais bien, on me taquine. Je joue le jeu, Pierre Richard dans un jeu de quilles cambodgien. Si le lieu est modeste, les fauteuils un peu fatigués, j’ai trouvé mon compte à travers l’ambiance chaleureuse qui y règne.

Tia Pier (transcription phonétique) avec sa gaîté naturelle m’a remis le dos en place ; étirements, craquements, foot massage, les mollets chauffés à blanc ont trouvé un repos mérité entre ses doigts de fée cambodgienne. Elle est la maman des deux ados qui l’aident pour l’accueil, pour la surveillance de la dernière de 5 ans et la tenue de la boutique.

Me concernant, même programme le lendemain… Cela fait partie de la remise en forme. Ah, c’est tout de même une des spécialités du pays, et là-dessus, je ne cracherai jamais.

Tonlé Sap

Jeudi j’ai donc vogué sur le Tonlé Sap, entre 7h 30 et 16h30. Après les deux tentatives par le Nord puis par le Sud, deux échecs qui me tarabiscotaient un peu dans la mesure où ce lac est Le Symbole du pays avec Angkor Wat et les Asparas. Si le bateau avait parfois du mal à se glisser sur l’eau, le couloir creusé par le courant était bordé d’arbres feuillus capables de supporter la crûe annuelle, d’ailleurs certaines branches de la cime avaient emprisonné des sachets plastiques de la dernière décrûe. Je peux cocher la case : « opération Tonlé Sap » assurée. Hop, une petite croix. Je l’ai enfin traversé avant de quitter le sol Khmer. Le mieux serait de le traverser dans l’esprit Voyage Ecologique Non Motorisé, que je simplifie par "VENOM" : qui se traduit par un voyage dans le respect de l'environnement sans moyens motorisés pendant une durée indéterminée seul, avec coéquipier et en couple. En ce qui concerne ma future traversée de cette mer intérieure, il s'agirait donc de me déplacer soit à la rame, soit en trouvant une espèce de catamaran, de barque, d'aviron ou de bateau gonflable… J’y réfléchis sérieusement. TONLE SAP : comment décrire ce lac sinon comme une véritable mer intérieure. Il s’agit de la plus grande réserve poissonneuse de l’Asie. (Cf reportage de Nicolas Hulot sur le Cambodge). La découverte du quotidien des villages de pêcheurs (souvent des Vietnamiens) est impressionnant : ce sont de villages entiers qui vivent et s’organisent au gré des flots, depuis des lustres. Ils puisent leur ressource dans le Tonlé Sap et maintiennent leur autonomie commerciale. Rien ne manque : le riz abonde, le poisson sèche, ils font de l’élevage de cochons dans des cabanes perché au-dessus des poissons qui se repaîtrent des excréments porcins ; on y trouve des centaines de petites ou moyennes maisons mais aussi des « bateaux-écoles » bâtis sur flotteurs qu’on transbahute facilement, des salles des fêtes… ces villages se déplacent au rythme de la crue du fleuve. En bordure du fleuve actuellement en décrue (d’octobre à mars, saison chaude) sont construites d’autres maisons sur pilotis, qui migreront également : un bateau sur la berge attend juste la saison des pluies pour remplir ses cales de la petite famille et de ses deux trois meubles et poules et naviguera en suivant le courant.
Ici, c’est un spectacle offert par les bambins qui se jettent dans l’eau, crient, vous appellent et jouent ; les adultes capturent les poissons à l’aide de filets ou bien font usage de sortes de catapultes de bois posée sur le Tonlé Sap ; celles-ci se redressent par système de contre poids, arrachant alors les poissons de l’eau trouble et chaude.

Sous la chaleur, la baignade fut de rigueur lors d’un arrêt volontaire… Dans le Tonlé Sap, je m’y suis baigné, au clair du bonheur qu’ici j’ai retrouvé.


Pierre qui roule… amasse la mousse

Ce matin, vendredi 26, avant de reprendre la route pour Bangkok, j’ai parcouru les 85 km entre Battam Bang et Pailin avec Monsieur Pierre GUIGNE. Faire le portrait d’un compagnon attachant est un exercice délicat qui peut fâcher et briser une entente. Mais puisqu’il est loin à présent, qu’il ne peut rien dire ni agir, sans aucune gêne je vais m’y risquer. J’espère cependant qu’il ne me maudira pas trop après.

PIERRE GUIGNE : Passionné de musiques en particulier des Queen (Il a vu feu le grand Fredddy en concert !), autodidacte, ce tatoué au grand coeur porte le surnom courrielesque de Serpentaire. Ce cycliste bon vivant, amateur de bonne bière fraîche et mousseuse, généreux, un tantinet râleur avec plein de tonus, d’expériences et de réflexions jamais piquées des vers, a été le binôme idéal pour cette route assez « tape-cul ». Combien de fois sur la piste rouge et empoussiérée m’a-t-il interpellé de cette manière touchante : « Eh ! La Mariée ! » ou encore m’a-t-il sorti de la concentration par une jolie petite vanne comme : « Eh Mais si tu aimes tant les histoires, Pyerrot, pourquoi tu ne te maries pas ? »… Toujours la petite blague qui fait mouche et chasse le bourdon... Exercice terminé. J’espère simplement de ne pas l’avoir froissé.
NB : Curieux d’en connaître davantage sur la réalité du terrain, j’ai demandé à mon partenaire de gentes de me parler des tracas du quotidien, de son quotidien. Si aucun pays ni même le Cambodge n’a rien d’idyllique, il pose dans la balance le plaisir de vivre ailleurs qu’en France avec « sa belle ».

(Photo : Pierre et Touït, prononcer Touille)

Merci à tous deux pour l'accueil et à bientôt... que la bière soit fraîche !

Pailin, nom d’un Monthy Python !

Vendredi matin, dès 5h, histoire de terminer en beauté, la chevauchée reprend. Pailin… Non, ce n’est pas l’un des cinq de la joyeuse bande des Monthy Python. C’est à la fois une région et une ville située au Sud Est, avec des Petits Pitons ; des montagnettes de 1200 mètres en moyenne.
Il y a un côté Vosges sans les vosgiens. Beaux paysages, montagnes et forêts, routes en lacets, enfants qui, tels des lutins, vous crient « Hello » tout en vous faisant signe de la main, des jolies filles qui vous offrent leur sourire, irrésistible, et vous saluent de leur regard scintillant. Pour obtenir la même chose en France, il faut se lever plus tôt que 5 H voire ne pas s’être couché la veille. Des panneaux de chantiers retraçant les efforts engagés à grand renfort de photos surprenantes telles celle des obus extirpés de la terre ; ou encore celle d’un camion retourné et calciné, vautré la beine sur le dos, sauvagement agressé par une mine antipersonnelle.

Il s’agit du champ de mines le plus important, qui s’étend depuis Battam Bang jusqu’à cette région. Les culs de jattes ont désormais leur chemin de pèlerinage à faire sur une planche montée sur roulettes, en implorant les Dieux de leur rendre un jour au moins une jambe de bois. La guerre continue donc à faire des dégâts, il est recommandé de ne pas s’écarter des sentiers.


La route à peine tracée rallonge le temps au grand dame de mon postérieur, les passages de camions beines remuant la poussière vous perdent dans un nuage rouge. Apnée de rigueur : la prochaine fois, je prévois le masque et le tuba. Après quatre heures de coups de pédales et des tonnes de poussières, la grimpette s’afficha au programme. Une heure trente de coups de pédales supplémentaires pour gagner enfin Pailin, la ville diamantaire et bastion des derniers Khmers Rouges. Un décor d’une ville du Far-West se présente devant nous, d’autant que le dépôt de poussière rouge intensifie l’ambiance en recouvrant les murs des baraquements sommaires. Manquent les buissons emportés par des rafales de vent. Bras, jambes et visage sont couverts de ce pigment rougeâtre, le sac et le vélo ont la même couleur. J’aimerai tant recroiser ce type avec son tuyau d’arrosage qui, 2 heures auparavant à ma demande, m’avait aspergé de la tête aux pieds. Pourtant c’est ici, sans prendre le temps de déjeuner et de se désaltérer, que nos chemins vont se séparer : Pierre repartait en bus pour Battambang ; moi pour la capitale Thaï ; j’offrais la clef du cadenas de Tigre Rouge au jeune cambodgien qui nous avait trouvé les véhicules respectifs. Adieu, mon beau vélo. Que Bouddha te protège… et te chevauche de temps en temps, histoire de maigrir un peu.

Un taxi pour Bangkok

Je suis arrivé au Poste frontière. Je suis sale, tributaire des rabatteurs qui s’approchent déjà pour me proposer un transport rapide. Tout s’enchaîne, vite. Trop vite. Les formalités barbares qui séparent deux pays m’arrachent en deux temps trois mouvements aux souvenirs encore chauds : photocopie des papiers, photo (moche) pour la photocopie des papiers, le passeport tamponné ; enfin la barrière franchie, il faut négocier le prix du taxi. 85 dollars pour 3h de route. Je monte. Je veux partir, vite. Très vite. Le moteur démarre. Assis à l’arrière de la voiture, je cogite à ce que je dois faire pour poursuivre ce rêve.

Les Ex-Pas Triés du tout !

Je compte vraiment faire des pieds et de la tête pour revenir au Cambodge, m’investir dans ce pays qui reste encore fragile. Si les ONG sont présentes, ses représentants roulent en 4x4 (pas des 4x4 récupérés ou trafiqués) et je m’interroge quant à l’utilité de gaspiller autant d’argent dans ce paraître à quatre roues haut de gamme. Est-ce une force que de donner de l’importance au clinquant, au milieu d’un peuple qui mène encore ses troupeaux de zébus en ville ? On peut voir cinq ou dix de ces véhicules pachydermiques alignés, brouter le monde devant un restau chic… ONG pour qui ? Pour les Expatriés ? Je me demande par quel discours ils justifient ce gaspillage, cette exubérance outrancière qui vous saute aux yeux. Je trouve absurde et indécent cet étalage matériel des seigneurs de la Pauvreté qui se targuent de sauver les Cambodgiens de la misère. Peut-être faut-il qu’ils soient assis sur des sièges surélevés pour mieux combattre les fléaux de ce pays ?

Khmère attitude

Un simple coup de main, des encouragements et des gestes généreux, que désirer de plus? Voilà comment j’ai vécu le Cambodge à côté de ma selle de vélo. Voilà comment je vois ce pays, du haut de mes deux jambes.

J’ai été charmé par ce pays et par la « Khmère Attitude ». Tant de richesses et d’espoir m’ont ici envoûté... Bien sûr, il y a le goût de l’exotisme qui facilite la tâche et je mets en avant surtout les différences qui m’attirent. Je suis tout à fait conscient de vivre cette illusion que l’ailleurs proche de chez nous est meilleur pour les interrogations qu’il suscite en nous ; j’éprouve ce besoin de me sentir à l’écart d’une société qui m’a vu naître et grandir pour me retrouver et me ressourcer par la comparaison, ce syndrome est très bien décrit dans « Tristes tropiques » de notre ethnologue international C.L.STRAUS. S’il est hors de question que je revienne en cette terre d’Indochine de la même façon (je hais la « redite d’action »), je vais faire mon possible pour revenir par le biais d’un plan artistique, alliant le culturel, l’éducatif et le social. La course « sportive » en sus et l’esprit « VENOM ». Vaste programme. Dès mon retour, je m’organise pour partir au minimum deux mois avec un projet à la clef. Le vélo sera évidemment de la partie, la course à pied dans les montagnes des Gardamones aussi, où il existerait encore des zones inexplorées. Je cogite et vais prendre mon temps pour élaborer cette entreprise.

Lavifil, Minibus et Compagnie

750 km pour un premier échauffement, ce n’est pas rien pour un novice du guidon et de la selle ! Ma mission, à présent, est de faire partager mon enthousiasme avec l’équipe de Lavifil, et avec mes proches. Mais surtout de mener mes projets entamés en Lorraine et de les développer de sorte à ce que je puisse crédibiliser mes actions extra-lorraines vécues au Cambodge :

- PSE et DRC, une rencontre que je veux faire fructifier
- Ecole française de Kep, des soutiens scolaires par les livres à envoyer
- Le Phare, école de cirque de Battam Bang, pour laquelle j’aimerais proposer les compétences lavifiloises, tant par l’écriture (dès que possible, je me colle à l’écriture de contes d’inspiration khmère, avec tendance à Woopaïser le tout) que par la mise en scène (Julia par exemple peut très bien diriger des circassiens, formation peut-être nécessaire cette année) et présence du livre (Claire et compagnie). Bien entendu, tout est à envisager.

Blog opératoire et conclusion

Ce voyage m’a changé. Grâce à cet élan d’aller en toute simplicité au Cambodge, sans vraiment savoir ce que j’y cherchais. L’envie d’y retourner me motive et nourrira mes pensées et mes rêves. L’écriture de contes, sans tomber dans le Traditionnel, sera une expérience. Tout est à préparer… Je rêve. Ces rêves m’accompagneront au-delà des frontières.

L’avion de Air China atterrira dans 5 heures à Roissy Charles De Gaulle. J’ai avalé trois cafés chinois, j’écoute au casque chinois une radio de musiques chinoises, la lampe « Nature et découverte » à Led montée sur pivot offerte par Julia, éclaire mon clavier d’ordinateur. Ce soir je dors à Paris. Dimanche soir je serai en Lorraine loin de la chaleur cambodgienne.

Fin du Premier voyage au Cambodge

Bons voyages à ceux et celles qui poursuivent leur Tour du Monde ou le préparent dans leur coeur.

Julia et "Alain Fournier"
Katty